Koffi Roger N’guessan, un travailleur silencieux
Né à Bouaké en Côte d’Ivoire, Koffi Roger N’guessan est un auteur de bande dessinée, illustrateur et professeur d’arts plastiques. Légère amertume (une histoire de thé), Chaka, Les fins limiers, Paris vaille que vaille, Nouvelles d’Afrique, Séductions et Mille mystères d’Afrique sont des œuvres à découvrir absolument. C’est avec joie que l’auteur de ces livres a accepté de parler de son travail et de sa passion pour l’art.
Lysette-André : Bonjour Koffi Roger N’Guessan.
Koffi Roger N’Guessan : Bonjour Lysette-André.
Au regard de votre travail, nous sommes curieux de savoir votre parcours … vous nous en parlez un peu ?
Bien sûr ! D’abord, merci pour l’opportunité que vous m’offrez de partager avec les lectrices et les lecteurs, certaines informations liées à mes activités professionnelles. Mes études artistiques commencent véritablement en 1992 avec mon entrée au Lycée d’Enseignement Artistique d’Abidjan, ensuite en 1995 à l’École Nationale des Beaux-Arts et enfin en 1999 au Centre de Formation Pédagogique pour l’Action Culturelle. Ce parcours a fait de moi un professeur d’arts plastiques depuis décembre 2001 et un auteur de bande dessinée depuis le début du mois de juillet 2013.
Auteur de bande dessinée, illustrateur et professeur d’arts plastiques, comment gérez-vous toutes ces casquettes au quotidien ?
Houlà ! Tout est une question d’objectifs que l’on se fixe et d’une organisation stricte pour les atteindre, ce qui fait que la quasi-totalité de mon temps est consacrée à l’enseignement des arts et aux activités artistiques. L’enseignement ne prend qu’en moyenne 10 heures exécutées, avec dix classes sur trois jours de la semaine, les quatre autres jours restants étant consacrés exclusivement au dessin et à la bande dessinée. Naturellement, j’évite comme je peux toute autre activité qui pourrait constituer un obstacle à exercer mon Art.
Comment avez-vous fait pour publier chez l’Harmattan BD ?
Mon contact avec l’éditeur de l’Harmattan BD s’est passé sur « Bande dessinée africaine », une plateforme consacrée à la bande dessinée sur Facebook. Et cela est parti d’une invitation de la part de l’ami Massiré Tounkara, qui à publier les planches de mes différents projets de BD. Des auteurs, des éditeurs et des amateurs de BD y sont. Leurs remarques et leurs encouragements m’ont beaucoup aidé jusqu’à la sortie de mes différentes publications chez l’Harmattan BD. Je dis merci à Benjamin Kouadio, l’initiateur de cette plateforme, qui offre encore de la visibilité et des opportunités énormes aux auteurs africains tapis dans l’ombre.
2013…que vous évoque cette année… elle représente quoi pour vous ?
Waouh ! L’année 2013 ? c’est l’année de la matérialisation d’un rêve que je caressais depuis ma plus tendre enfance, une année qui a pratiquement essuyé tous mes nombreux échecs dans ce domaine. C’est le fruit d’un travail acharné nuit et jour avec l’aide précieuse de mon formateur Gilbert Groud. Peut-être qu’il faut le vivre véritablement pour le comprendre pour le comprendre ? C’est un moment d’intense bonheur et de fierté pour mes proches et pour moi-même. Même si, secrètement, au fond de moi, je savais qu’il y avait désormais d’autres défis à relever, encore plus d’efforts à fournir pour me construire une réelle place dans ce monde d’auteurs de bande dessinée, domaine dans lequel je faisais mes premiers pas avec un double album en noir et blanc intitulé Séductions et Mille mystères d’Afrique.
Comme toutes vos œuvres, Paris vaille que vaille est un livre réaliste. D’où vous est venue l’inspiration pour l’écrire ?
Tout est parti de ce que je voyais dans mon environnement et dans les médias pendant la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire. Des jeunes dames dans les cybercafés, à longueur de journée, en contact par webcam avec des européens afin de tirer de grands profits, surtout en prévision de quitter l’Afrique pour une vie meilleure. Et là, c’était très difficile de les approcher puisqu’elles ne rêvaient que de partir.
Des jeunes hommes en masse, qui quittaient le pays pour l’Occident. Des médias, qui montraient des morts de migrants dans le désert du Sahara, de nombreux corps sans vie dans la Méditerranée, des témoignages poignants et déshumanisants sur le périple de certains migrants. C’est cette atmosphère presque chaotique qui m’a inspiré à écrire Paris vaille que vaille. C’est juste une adresse à la jeunesse africaine pour leur dire que, certes, pour le moment, l’Afrique va peut-être un peu mal mais c’est aussi le meilleur moment de rester pour s’organiser afin de faire changer les choses. Si malgré tout, nos dirigeants politiques et les investisseurs de tous les continents s’y enrichissent, c’est donc possible qu’une jeunesse bien organisée, consciente de sa force démocratique, puisse changer les choses en sa faveur pour son bien-être.
Pourquoi êtes-vous effacé sur les réseaux sociaux ?
Dans la vraie vie, il est souvent dit que je suis quelqu’un de très effacé, malgré mes 1mètre 91 et mes 90 kilos (haha !) Je prends cela comme une chance et une qualité tant que cela me permet de toujours travailler à fond et en toute discrétion. C’est peut-être la même image qui se répercute sur les réseaux sociaux. Mais pour la petite histoire, il faut reconnaitre que ce sont les réseaux sociaux qui m’ont permis d’exister dans le monde du neuvième art avec notamment la rencontre de mon éditeur qui continue de me renouveler sa confiance, la fidélité extraordinaire des lectrices et des lecteurs dont le nombre augmente à chaque sortie d’album, le contact permanent avec de magnifiques réseaux d’amis, d’auteurs de bande dessinée, des plus jeunes talents aux plus grands professionnels. Certains, comme le Doyen Albert Tshisuaka, par le biais de Facebook, m’a livré des techniques précieuses qui m’aident encore jusqu’aujourd’hui … Je dois tout aux réseaux sociaux. C’est aussi vrai que je dois faire encore plus d’efforts pour plus de présence.
Un mot à l’endroit des jeunes qui aimeraient suivre vos pas ?
Je dirais aux jeunes qui voudraient embrasser le métier d’auteur de bande dessinée d’avoir un objectif clair et de se donner le temps nécessaire pour le réaliser, de toujours approcher les devanciers avec beaucoup d’humilité pour des notions basiques du neuvième art et la transmission de leurs expériences, de travailler en équipe à partir d’un texte ou d’un scenario bien élaboré, de toujours collabore, d’échanger avec d’autres auteurs sur leurs différents projets. En réalité, élaborer un projet tout seul dans ce domaine, offre peu de chance pour produire une œuvre de qualité…
Koffi Roger N’Guessan, nous vous disons merci et nous attendons avec impatience la sortie de votre septième livre. Grâce à votre expérience, nous confirmons que les grandes réalisations se préparent dans le silence.
Lysette-André